EUROSTAR : la techno du TGV qui défie la Manche
Le but de l’Eurostar est de relier deux des plus grands hubs d’Europe, deux capitales majeures au centre des grands flux internationaux. Comment leurs gares historiques ont-elles dû s’adapter ? Au fil du temps, la gare du Nord de Paris et la gare de St-Pancras de Londres se sont modernisées et adaptées aux nouveaux usages. Avec l’Eurostar il s’agit dorénavant aussi de véritables postes de frontière comme les aéroports internationaux. Aujourd’hui, ce sont des millions de voyageurs qui utilisent la ligne chaque année, la gestion des flux de passagers et des correspondances existe depuis toujours mais l’affluence étant toujours plus grande il faut perpétuellement adapter les lieux. En parallèle, ce sont des allées et venues incessantes de trains qu’il s’agit de faire cohabiter, tout en optimisant la moindre seconde à quai. Notre trajet commence à Gare du Nord. Nous suivons l’embarquement des voyageurs et surtout la préparation minutieuse du train avant son départ. Même si l’horloge tourne et que l’heure du départ approche, rien n’est laissé au hasard.
Comment faire pour relier Paris et Londres en 2h26 en assurant confort et rapidité aux dizaines de milliers de voyageurs qui empruntent chaque jour la ligne ? Comment concilier deux réseaux aux systèmes ferroviaires exigeants mais différents ?
Le choix de train se porte dès le début sur le TGV, le tenant du titre de record de vitesse. Mais pour relier l’Europe continentale à Grande Bretagne, il s’agit d’adapter ce fleuron jusqu’alors 100% français:
Les rames sont au gabarit britannique, plus réduit que le gabarit continental en hauteur et en largeur (2,80 mètres de large au lieu de 2,90 mètres), et les voitures sont adaptées à la hauteur standard des quais britanniques. Le tout lui donnant un aspect plus profilé. Pour franchir la Manche, les motrices ont un unique pare-brise central de taille réduite, pour éviter les effets hypnotiques causés au conducteur par le tunnel. Les rames sont aussi sécables par le milieu pour pouvoir être remorquées hors du tunnel en cas de nécessité.
Côté performance, le système électrique par caténaires qui alimente la locomotive est capable de fournir 16MW à la motorisation surpuissante. Le système de traction utilise une “motorisation répartie”. Celle-ci permet de dispatcher les roues motrices sur toute la longueur du train et d’optimiser les phases de freinage et d’accélération.
Quant aux moteurs à aimants permanents, ils fournissent la puissance nécessaire pour déplacer les 400 mètres de long de la machine tout en étant capable de récupérer de l’énergie électrique convertie de la force cinétique lors des phases de ralentissement. Le tout conçu avec un design aérodynamique réduisant considérablement la résistance à l’air ce qui influe sur la vitesse maximale et la consommation de cet avion sur rail.
Grâce à ces innovations, nous nous trouvons devant l’un des trains les plus rapides du monde, dont la motorisation et le design ont pu pousser ce type de machine à 575 km/h. L’Eurostar circule au quotidien à une vitesse maximale de 300 km/h en transportant près de 900 passagers.
L’Eurostar est un train unique au monde, s’inspirant du meilleur, et demandant une attention constante dans sa maintenance pour le maintenir au plus haut niveau.
La cadence plus que soutenue des aller-retour et l’exigence accrue pour la sécurité demandent une attention constante dans sa maintenance.
Le TMI de Temple Mills est l’usine d’entretien et de maintenance ultramoderne des trains Eurostar, où les techniciens travaillent 24/24 toute l’année pour assurer que chaque train est parfaitement entretenu et en parfait état de fonctionnement avant de prendre la voie. Ce gigantesque hangar est constitué de 8 voies de garage de 400m pour accueillir les trains et 6 d’entre elles sont équipées de passerelles d’accès au toit des trains.
Ici les trains sont examinés à la loupe, ils reçoivent des améliorations, des visites de maintenance régulière. Changement de bogie, reprofilage des roues, telle une formule 1 de 1000 tonnes, rien n’est laissé au hasard. Dans les coulisses de Temple Mills on peut apercevoir l’antre de la bête, y découvrir ses secrets de fabrication et rencontrer les experts incontestés de l’Eurostar.
L’Eurostar doit emprunter plusieurs réseaux ferrés différents pour atteindre sa destination et traverser des ouvrages d’art critiques. Un défi de taille car selon les équipements d’alimentation ou le pays, il faut s’adapter et rester compatible pour rouler avec toutes ses capacités.
Cette situation ne fut pas la plus simple dans les premières années pour la ligne. En effet, en sortie de tunnel la machine empruntait le réseau existant anglais pour rejoindre St Pancras. Il s’agissait d’une voie équipée d’un troisième rail qui alimentait la locomotive en 750V, une tension qui ne permettait pas au train de profiter de sa pleine puissance, le limitait à 161 km/h et imposait à la machine d’embarquer un second système de branchement au réseau électrique.
Par la suite, le gouvernement britannique a lancé la construction d’une ligne à grande vitesse pouvant accueillir l’Eurostar sans le limiter : la HS1 est née. La première ligne à grande vitesse de Grande Bretagne aux caractéristiques comparables à la LGV française qui permis la circulation de l’Eurostar en pleine puissance et de rattacher la sortie du tunnel à la gare de Saint-Pancras moins de 20 minutes.
Comment assurer le plus efficacement possible un trafic en constante augmentation et une sécurité à toute épreuve entre deux pays ?
Un des points les plus stratégiques dans la gestion d’une ligne à très grande vitesse est le contrôle permanent du réseau et des trains qui y circulent en permanence. Les systèmes de sécurité et de contrôle du train aux abords des gares, sur les voies de triage, sur la LGV française, dans le tunnel et sur la HS1 anglaise ont dû être adaptés et normalisés à tous les niveaux.
Pour cela, le train est capable de communiquer avec tous les protocoles de sécurité possible (KVB, TLB, Memor, TBL2,TVM, ERTMS….) mais surtout avec l’European Train Control System (ETCS), le système de signalisation avancé, utilisé par l’Eurostar. Ce système permet aux trains de communiquer avec les stations de contrôle et d’envoyer des informations en temps réel sur leur position et leur vitesse
Sans un système de signalisation fiable, impossible aux trains de circuler à des vitesses pouvant atteindre 300 km/h en toute sécurité.
Ces informations techniques sont transmises au centre de contrôle de la gare de St Pancras où une cellule dédiée au trafic, surveille le réseau et le déplacement de chaque rame. Ici, chaque opérateur est parfaitement bilingue.
Toutes les informations du train y sont remontées : sa vitesse, sa localisation, ses données techniques… à tout moment les aiguilleurs peuvent prendre la main et intervenir si une situation semble anormale.
Le trajet initial du Paris-Londres comporte évidemment un obstacle de taille : la traversée de la Manche !
Un défi déjà imaginé par Gustave Eiffel et réalisé un siècle plus tard. La merveille technologique qui relie la France et le Royaume-Uni est ce fameux tunnel réalisé pour le passage de train. 50 km de distance dont 38 sous la mer, c’est la plus longue section sous-marine au monde ! 15 000 ingénieurs, géologues, ouvriers et compagnons auront réussi à mener à terme ce projet titanesque en six ans seulement. Un défi de construction et d’ingéniosité jamais vu !
Le tunnel est constitué de deux voies de chemin de fer où circulent les trains à une vitesse de 160km/h et une voie de service entre les deux. Tout au long du trajet, d’immenses portes sont capables de s’ouvrir pour faire passer les trains d’une voie à l’autre en cas de nécessité.
Aujourd’hui ce sont près de 400 trains par jour qui empruntent le tunnel, de nombreux Eurostar mais aussi du transport de fret ou de ferroutage. Depuis sa création 465 millions de passagers ont traversé la Manche par le tunnel soit l’équivalent de 7 fois la population de la France. Et à ce rythme le tunnel n’utilise pas la totalité de sa capacité.
Surveiller cette infrastructure sensible et cruciale à chaque instant est essentiel !
Le centre de contrôle de Folkestone, le RCC, a l’œil sur l’ensemble du tunnel et permet à l’Eurostar de circuler sans interruption. L’ensemble est ultra connecté. Plus de 36 000 capteurs informent le RCC de tout ce qu’il se passe dans le tunnel, et le centre de contrôle a la main sur les accès de sécurité, les mégas pompes d’évacuation de secours ou encore sur les portes géantes du cross-over.
Une infrastructure qui doit être irréprochable pour garantir la sécurité des milliers de passagers qui l’empruntent chaque jour. Le maintien d’une atmosphère et d’une température correcte est assuré par un système de refroidissement en cas d’évacuation de piétons, l’entièreté du tronçon sous-marin est éclairée et comporte des trottoirs aux abords des voies, des antennes assurent la liaison de communication avec le sol et un système de lutte contre le feu capable de localiser et éteindre une menace incendiaire. Dans le même temps, les équipes de sécurité et de maintenance parcourent le tunnel en permanence à l’affût de la moindre anomalie.
St-Pancras, terminus, tout le monde descend.
A la sortie du tunnel, Londres n’est plus très loin. Les équipes du centre de contrôle de la gare de St-Pancras dédié à l’Eurostar reprennent la main sur la gestion du trafic.
Tout comme la Gare du Nord, la gare historique de Londres a su se moderniser au fil du temps.
Entre le centre de contrôle et les équipes sur place, nous suivons l’arrivée d’un train à bon port, après un trajet réglé comme du papier à musique.