Le premier embryon humain synthétique
L’événement que nous relatons dans le dossier de ce mois-ci, la fabrication d’un premier embryon humain synthétique de 14 jours à partir de banales cellules prélevées sur la peau d’un adulte, pose tout un tas de questions – c’est d’ailleurs à cela que l’on reconnaît un bon sujet. À partir de quand un amas de cellules trafiquées dans une boîte de Petri peut-il être considéré comme un être vivant ? L’expérience doit-elle être poussée plus avant ? Est-ce moral de se fabriquer un clone pour avoir une réserve personnelle d’organes ? Ces expériences sont-elles plus acceptables lorsqu’elles sont réalisées sur des embryons de singe ? De souris ? De mouche ? Faut-il sacraliser l’embryon humain ? Faut-il le réifier ? Comment comparer les tensions éthiques soulevées et les promesses thérapeutiques avancées ? Et d’abord, qui doit répondre à toutes ces questions ? Pas les scientifiques, selon le généticien Denis Duboule que nous avons interrogé : « Si on commence à demander aux scientifiques d’avoir des considérations légales et éthiques, on passe à une technocratie, or c’est bien la dernière chose qu’il nous faut. » Ce à quoi nous ajoutons : pas les journalistes non plus. À chacun son rôle. Dans une démocratie, c’est à la société et à ses représentants de s’emparer de ces sujets. Le rôle des scientifiques, lui, est de produire des travaux fiables. Et celui des journalistes de les présenter de façon sincère, claire et complète. C’est ce que nous avons tenté de faire, page 44. Nous ne voulons pas nous défausser, mais c’est ainsi : à vous de voir quoi en penser…